Oriane Raffin

Journaliste multimédia

Les réfugiés afghans évacués du square Villemin

25 déc, 2009 • Type de reportage: Articles

PARIS – L’évacuation s’est passée dans le calme…

«Allez, bonsoir, allez vous coucher!» Square Villemin, 10e arrondissement, Paris. Un CRS s’adresse à un attroupement de réfugiés afghans, ayant pour seul bagage un grand sac poubelle, rempli de leurs maigres biens. Ce mardi soir, mairie et préfecture de police de la capitale ont décidé conjointement d’évacuer le jardin public, situé entre le canal Saint-Martin et la gare de l’Est.

Depuis des mois, plusieurs dizaines de réfugiés afghans y avaient trouvé abri, arrivant le soir, au moment de la fermeture, pour y passer la nuit. A la suite de plusieurs actes de violence dans la communauté ou à l’encontre d’agents de la ville, la mairie de Paris a décidé d’agir.

«Pourquoi nous chasse-t-on?»

Une trentaine de CRS épaulés par des policiers du 10e arrondissement et des agents de sécurité de la Ville de Paris ont donc expulsé les jeunes afghans du square. Baluchons sur l’épaule, couverture à la main ou valise à roulettes derrière eux, ils ont remonté le canal Saint-Martin, dans l’incompréhension. «Pourquoi nous chasse-t-on? On veut juste dormir», demande Khaled, 16 ans, à Paris depuis deux mois. «Pourquoi ne nous donne-t-on pas un hébergement?»

L’évacuation se fait dans le calme. Côté mairie, les instructions ont été très claires: pas de contrôle ni d’arrestation ce soir. D’où le dispositif léger. «Le but c’était de faire en sorte qu’il n’y ait pas de réintroduction dans le square», explique un responsable de la police, sur place.

«Repousser le problème»

«Certes, c’est repousser le problème», reconnaît un responsable de la Mairie de Paris, présent lors de l’opération. «Mais on a en charge la gestion du jardin, qui doit pouvoir être partagé par tous. On n’a pas la volonté de les chasser, mais celle de ramener le calme, dans ce qui devient un Sangatte à ciel ouvert.»

Une décision qui fait hurler les rares associations présentes sur place. Pour Jean-Michel Centres du MRAP, prévenu une heure avant l’opération, «c’est lamentable, ce que Bouchart n’a pas fait à Calais, Delanoë le fait à Paris».

Revoir la politique d’hébergement

Un peu avant l’opération, le directeur général de France Terre d’asile, Pierre Henry confiait à 20minutes.fr: «Je peux comprendre cette fermeture, mais qu’est ce qu’on fait après? On ne peut pas faire la guerre pour la liberté en Afghanistan et en ignorer les conséquences sur notre territoire.»

C’est donc une réflexion plus générale sur l’asile et l’hébergement que réclament les associations présentes. Karine, salariée d’une association humanitaire s’indigne: «En tant que Française, j’ai honte. De toute façon, ce qu’on voit ici, c’est le programme de Besson: empêcher les rassemblements.»

«Un bus encadré par les flics, ils ne veulent pas y aller!»

Un peu plus loin, des bus attendent les réfugiés. En temps normal, 170 places leur sont allouées chaque soir, dans des centres d’hébergement. Ce soir, un extra de 80 places a été prévu. Cinquante au centre de la Boulangerie, 30 à Nanterre. «Trop peu», s’indignent les associations, voyant les 150 jeunes hommes encore présents le long du canal.

«Pas la prison, pas la prison», scandent, dans un anglais hésitant, une poignée de réfugiés. Entre deux déclarations à la presse, Jean-Michel Centres du MRAP sert d’interprète aux jeunes Afghans. «Un bus encadré par les flics, ils ne veulent pas y aller!». Le militant tente de leurs expliquer qu’il s’agit en fait de bus à destination des centres d’hébergement. Finalement, ils ne seront qu’une quinzaine à accepter de monter à bord. Les autres préférant s’évanouir dans la nuit parisienne, à la recherche d’un autre square, ou d’un banc, pour passer la nuit.

Un responsable de la police a assuré que le dispositif serait renouvelé tous les soirs, au moins jusqu’à vendredi, afin que les réfugiés «perdent l’habitude d’y dormir».

Maiwand, 15 ans, expulsé du square Villemin

Maiwand dormait dans le square Villemin depuis 10 jours, date de son arrivée en France. Ce jeune Afghan de 15 ans a fui les violences de son pays. «Mes parents ont été tués par les talibans», confie-t-il, «j’ai ensuite été recueilli par ma tante, puis je suis parti, j’ai quitté ma famille à cause de la guerre.»

Ce mardi soir, il ne sait pas où il va dormir. «J’ai trois cousins ici, je vais voir ce qu’ils font. S’ils prennent les bus, j’irai avec eux. Sinon, je verrai.» Une chose est sûre, Maiwand ne veut pas rester à Paris. Son objectif à lui, c’est l’Angleterre. Pour l’instant, quand on lui demande où il va passer la nuit, il jette un regard à ses cousins, assis plus loin sur le trottoir. «I don’t know».

Reportage publié le 18 août 2009 sur 20minutes.fr

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